120% de votants : Le scrutin qui défie les lois des mathématiques
Le Gabon vient-il d'offrir un des plus grands scandales électoraux de son histoire récente ?
À en croire le document officiel des "Tendances Référendum 2024" du gouvernement (disponible en PDF ici), on pourrait se le demander. Ce qui devait être un exercice démocratique crucial s'est transformé en une véritable farce électorale, où les chiffres présentés défient à la fois la logique, les mathématiques et le bon sens. Une fraude à l'échelle de tout un pays, dans le silence des observateurs locaux et internationaux.
Une participation "parfaite" qui suscite des doutes
Pourquoi pas 200% ? 🤣 pic.twitter.com/FodJUrlUW8
— OVENG Ndoum'Obame (@richie_ndomez) November 17, 2024
Dans plusieurs localités du pays, les résultats dévoilés laissent pantois. Certains bureaux affichent des taux de participation de 100 %, où chaque électeur inscrit non seulement se serait déplacé, mais aurait voté à l'unanimité pour le « OUI ». Ainsi, à Ondili, les 178 inscrits se sont tous prononcés pour le « OUI ». Même chose à Eyouga, où les 308 électeurs ont suivi le même schéma.
Ce phénomène, observable dans des dizaines de bureaux à travers le pays transforme le scrutin en une démonstration improbable d'unité absolue.
Au sein de la diaspora, le scénario n'est pas plus crédible. À Bata, en Guinée équatoriale, les 30 votants Gabonais se sont tous prononcés pour le « OUI ». En Chine, les résultats des trois bureaux (Pékin, Shanghai, Wuhan) frôlent les 97 % pour le « OUI », sans aucune mention des votes restants ou des éventuels abstentionnistes. En France en revanche, là où la diaspora gabonaise est la plus présente, les scores sont bien équilibrés : 51% pour le « NON ». Comment croire en de tels résultats dans un pays où l'abstention électorale et les opinions divergentes sont monnaie courante ?
Les chiffres restent incohérents jusqu'a ce jour. Regardez les chiffres du bureau 5 de Ngouabi, et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres... pic.twitter.com/UN0qgqp1OR
— Claire Kodia (@ClaireKodiOff) November 18, 2024
Des chiffres qui défient les lois des mathématiques
Il n’y a qu’à voir le taux de participation énorme, les plébiscites à 100% dans plusieurs départements et la vitesse dans le dépouillement pour savoir que le PDG est ressuscité pic.twitter.com/OklZ34I6q3
— Moi MAKAYA (@Moi_Makaya) November 17, 2024
Au-delà de ces taux de participation miraculeux, les incohérences dans les données chiffrées abondent. Dans le département de la Zadié, par exemple, on dénombre 1 158 votants mais 1 307 suffrages exprimés. D'où sortent ces 149 votes supplémentaires ? Au bureau de vote d'Abidjan, un taux de participation annoncé à 85,09 % ne correspond tout simplement pas aux chiffres annoncés des inscrits et votants.
Les pourcentages affichés dans le document semblent eux aussi avoir été calculés au hasard. De nombreux bureaux rapportent des taux qui ne correspondent pas aux totaux indiqués. Ces erreurs flagrantes traduisent soit une négligence incompréhensible, soit une volonté délibérée de manipuler les résultats. Ainsi on retrouve, par exemple, un bureau qui affiche 118% de participation.
Un silence assourdissant des observateurs internationaux
Alors que cette mascarade se déroule sous les yeux du monde, les missions d'observation internationale brillent par leur mutisme. Présents en nombre (plus de 600 observateurs issus de l'Union européenne, de l'Union africaine ou encore du Commonwealth), ils n'ont pour l'instant émis aucune critique publique.
Ce silence est aussi troublant qu'inacceptable. Comment rester muet face à un tel naufrage démocratique ? Leur rôle n'est-il pas de garantir la transparence et la crédibilité des processus électoraux ?
Une opacité organisée
Donc c'est avec ce niveau de médiocrité que le CTRI PDG compte gérer le pays pendant ces 14 prochaines années ?
— Ambigux 🇬🇦🏴☠️🇵🇸 (@Sonovic7) November 17, 2024
Le document regorge également d'absences et d'omissions flagrantes. Dans certains bureaux, les résultats sont affichés sans mentionner le nombre d'inscrits. À Zoatab Bureau 2, par exemple, on rapporte 182 votants, tous pour le « OUI », mais aucune information sur le nombre total d'électeurs enregistrés. Ce manque de rigueur rend toute vérification indépendante impossible et jette un voile opaque sur la légitimité des résultats.
Dans le département de Lekabi Lewolo, l'ensemble des bureaux présente des taux de participation et de résultats unanimes pour le « OUI ». D'Ondili à Okangoville, chaque électeur inscrit aurait voté favorablement, sans exception. L'idée même d'un désaccord politique semble avoir été éradiquée dans cette région.
Une démocratie à reconstruire
Quelqu’un peut m’expliquer comment on a perdu 18% de participation en un jour ? Ça m’intéresse merci pic.twitter.com/ijigXB2KjR
— Fleur de Miranda 👑 (@fleur_miranda) November 17, 2024
Ce référendum, censé renforcer la légitimité démocratique du Gabon, en ressort comme un fiasco total. Les chiffres avancés par les autorités ne sont pas simplement des erreurs, ils sont une insulte à l'intelligence des Gabonais. Face à un tel désastre, les institutions internationales et les citoyens doivent exiger une enquête indépendante.
Le Gabon mérite mieux. Ses électeurs méritent mieux. Une démocratie ne peut prospérer sur des bases aussi fragiles et frauduleuses. Tant que de tels scandales resteront impunis, la confiance dans les institutions ne pourra être restaurée.
Le silence ne peut être une réponse. Il est temps d'agir.