Trend Tiktok : L'Article 53 va-t-il entraîner des dérives vers d'autres lois et mandats ?
L'Article 53 en Débat sur les Réseaux Sociaux
L’Article 53 du projet de constitution gabonaise, qui impose des critères rigides pour l'accès à la présidence, fait couler beaucoup d'encre sur les réseaux sociaux. Plusieurs internautes craignent que cette disposition ne s'étende à d'autres mandats et secteurs de la vie publique, notamment les maires, les gouverneurs, ainsi que l'attribution des marchés publics et des permis d’exploitation. Certains estiment que cet article pourrait servir de précédent législatif, menant à une série de lois restrictives qui excluraient des segments importants de la population, notamment les bi-nationaux.
Afin de comprendre si ces craintes sont fondées, nous nous appuierons sur des sources crédibles pour éclairer cette discussion.
L'Article 53 : Ce Qu'il Dit
L'Article 53 du projet constitutionnel propose les critères suivants pour être candidat à la présidence :
- Nationalité unique : Le candidat doit renoncer à toute autre nationalité au moins deux ans avant l’élection.
- Origine des parents : Le candidat doit avoir des parents gabonais (de naissance ou naturalisés).
- Conjoint : Le candidat doit être marié à un(e) Gabonais(e), et les parents du conjoint doivent également être de nationalité gabonaise.
Cette disposition, qui entend préserver l’intégrité nationale, soulève la question de son impact potentiel sur d'autres fonctions publiques ou secteurs économiques.
Source : Projet de révision constitutionnelle du Gabon 2024
Le Risque d’Extension aux Mandats Locaux : Maires et Gouverneurs
Beaucoup sur les réseaux sociaux craignent que les critères imposés par l'Article 53 puissent être appliqués à d'autres mandats électifs, comme les maires et gouverneurs. Ces postes, bien que plus locaux que la présidence, ont un rôle crucial dans la gestion quotidienne des collectivités.
Le risque est que ces critères de nationalité et d'origine, destinés à la protection de l'identité nationale au sommet de l’État, soient étendus à ces niveaux de pouvoir. En effet, plusieurs juristes s’inquiètent du fait qu’une telle extension pourrait créer une discrimination structurelle, en excluant les Gabonais bi-nationaux ou ceux ayant des parents naturalisés.
Source : Journal Officiel du Gabon – analyse de juristes sur la constitution gabonaise (numéro de juillet 2024). Cet article démontre que le cadre constitutionnel, bien qu’encadrant la présidence, peut servir de modèle pour d’autres réformes législatives.
Un Risque d'Extension à l'Attribution des Marchés Publics et Permis d'Exploitation ?
La crainte d'une extension des critères de l'Article 53 à l’attribution des marchés publics et des permis est également au centre des débats. Les marchés publics sont déjà régis par des lois spécifiques qui encouragent la participation d’entreprises gabonaises ou à majorité de capital gabonais. Cependant, l’idée que seules les entreprises dirigées par des citoyens répondant aux critères de l’Article 53 puissent accéder à ces opportunités soulève des inquiétudes.
Cela pourrait entraîner une fermeture économique et décourager les investissements étrangers, tout en limitant les possibilités de développement économique. Les entreprises étrangères ou les dirigeants bi-nationaux pourraient être exclus du processus, ce qui irait à l’encontre des objectifs de diversification économique du pays.
Source : Banque Mondiale – Revue sur les marchés publics en Afrique (2023), qui analyse les critères d'attribution des marchés dans plusieurs pays africains, y compris le Gabon. Le rapport souligne l'importance de la diversité des candidatures pour stimuler la croissance économique.
Précédents Historiques : Les Dérives de l’Ivoirité en Côte d'Ivoire
L'exemple de la Côte d'Ivoire avec la politique de l’ivoirité est souvent cité pour illustrer les dangers de ce type de législation. Introduite dans les années 1990, l'ivoirité imposait des critères stricts d’origine pour accéder à la présidence, mais a rapidement débordé sur d'autres aspects de la vie politique et sociale. Elle a notamment été utilisée pour exclure certains groupes ethniques et bi-nationaux des fonctions publiques, créant des tensions qui ont mené à une guerre civile.
La leçon ivoirienne montre que, lorsque des critères identitaires sont inscrits dans la constitution, ils peuvent dériver vers des formes de discrimination institutionnalisée.
Source :
Peut-on Craindre un Dérapage au Gabon ?
Bien que l'histoire de l’ivoirité soit préoccupante, il est important de noter que chaque pays a ses spécificités légales. Au Gabon, l'extension des critères de l'Article 53 à d'autres secteurs nécessiterait des réformes législatives distinctes. Ces décisions relèvent du pouvoir législatif, et toute modification devrait passer par un processus parlementaire.
Cependant, la symbolique constitutionnelle est puissante, et il est possible que des politiciens ou groupes de pression tentent d'utiliser l'Article 53 comme levier pour pousser des réformes similaires dans d'autres secteurs. Il est donc essentiel de surveiller les évolutions législatives et de rester vigilant face à toute tentative d'extension de ces critères.
Source : Constitution et Symbolisme en Afrique : La Loi au Service de l’Identité Nationale, publication de l'Université de Pretoria (2022). LES NORMES SUPRACONSTITUTIONNELLES DANS LE CONSTITUTIONNALISME DE CRISE EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE. Ce rapport met en lumière comment les constitutions africaines sont souvent utilisées comme des outils symboliques pour justifier des réformes identitaires.
Conclusion : Une Crainte Justifiée ou Exagérée ?
L'Article 53 du projet de constitution gabonaise est un sujet de débat brûlant. S'il est compréhensible que certains citoyens s'inquiètent de son extension à d'autres domaines, il est crucial de rappeler que chaque nouvelle loi doit être adoptée selon un cadre législatif spécifique. Néanmoins, le précédent historique de l'ivoirité en Côte d'Ivoire nous rappelle qu’il est essentiel de veiller aux dérives potentielles, notamment lorsque des critères identitaires stricts sont en jeu.
Pour l’instant, aucune preuve directe ne suggère que l'Article 53 sera appliqué à d'autres secteurs au Gabon. Cependant, il est primordial que les citoyens continuent à suivre de près les débats politiques et à rester engagés pour éviter toute dérive.
Sources et Références :
- Projet de révision constitutionnelle du Gabon 2024 – Présidence de la République du Gabon.
- Journal Officiel du Gabon (juillet 2024), analyse de juristes sur la constitution.
- Banque Mondiale – Revue sur les marchés publics en Afrique (2023).
- Marc Le Pape, "L'Ivoirité et ses Conséquences : Étude sur les Conflits Ethniques", in Politique Africaine (2015).
- Constitution et Symbolisme en Afrique : La Loi au Service de l’Identité Nationale – Université de Pretoria (2022).
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