Analyse des Effets de l’Article 53 de la Constitution Gabonaise sur la Diversité Ethnique et les Risques pour la Cohésion National
Introduction :
L'article 53 de la Constitution gabonaise établit des critères rigoureux pour l'éligibilité à la présidence, incluant des conditions de nationalité, de résidence, et de compétences linguistiques. Bien que ces critères semblent neutres à première vue, une analyse plus approfondie révèle que leurs effets peuvent favoriser certains groupes ethniques au détriment d'autres, ce qui pourrait avoir des répercussions importantes sur la cohésion nationale.
1. Le critère de nationalité stricte : un obstacle implicite ?
L'article 53 impose que les candidats à la présidence aient des parents gabonais de naissance ou naturalisés, et un conjoint également de nationalité gabonaise. Ce critère, bien que neutre dans sa formulation, tend à avantager des groupes comme les Fang, en raison de leur endogamie et de leur présence dominante au Gabon (IndexMundi - Country Facts). Des groupes plus petits, comme les Pygmées ou les Kota, sont proportionnellement plus touchés par cette exigence.
2. Résidence continue : une manière de verrouiller le pouvoir ?
La condition de résidence continue au Gabon pendant trois ans avant l'élection semble raisonnable, mais elle favorise des ethnies majoritaires, telles que les Fang, qui résident majoritairement dans des zones urbaines stratégiques comme Libreville(
Wikipédia, l'encyclopédie libre). D'autres groupes, ayant une diaspora plus importante ou vivant dans des régions rurales ou à l'étranger, sont indirectement exclus de l’éligibilité à la présidence.
3. Langue locale : un critère symbolique, mais excluant ?
L'exigence de parler une langue locale pourrait sembler anodine, mais elle reflète une forme d'héritage culturel qui avantage certaines ethnies. Les Fang, qui parlent l'une des langues locales les plus répandues au Gabon, sont de facto avantagés par ce critère, tandis que les groupes plus petits ou ayant des membres en diaspora, sont plus susceptibles de ne pas remplir cette condition.
4. Les implications potentielles sur d’autres postes de pouvoir
L'article 53, bien qu'il se concentre sur l'éligibilité à la présidence, pourrait avoir des répercussions plus larges sur l'accès à d'autres postes clés du pouvoir. Le cadre constitutionnel et l'exemple donné au plus haut niveau de l'État peuvent influencer des pratiques dans le processus de nomination ou d'élection à des postes comme ceux de députés, sénateurs, gouverneurs, et maires.
Les mêmes dynamiques observées dans l’éligibilité à la présidence pourraient se reproduire dans la manière dont les candidatures sont structurées ou favorisées pour ces postes. Par exemple, si les critères rigides concernant la nationalité et la résidence excluent des groupes, cela pourrait conduire à une représentation disproportionnée de certains groupes dans les instances législatives et locales.
De plus, l'accès aux postes dans la fonction publique (notamment au sein des administrations régionales et des grandes entreprises publiques) pourrait également être influencé. Historiquement, dans de nombreux pays, lorsqu'un groupe ethnique domine la présidence, cela peut entraîner une distribution inégale des postes de pouvoir à tous les niveaux de l'administration.
5. Attribution des marchés publics : concentration des richesses et domination économique
En ce qui concerne l'attribution des marchés publics, ces contrats sont cruciaux pour le développement économique des entreprises locales et pour l'accès à des ressources économiques importantes. Si un groupe ethnique domine les postes de prise de décision dans les secteurs clés du gouvernement, cela pourrait également conduire à une concentration des contrats publics entre les mains de ce groupe, favorisant ses intérêts économiques au détriment des autres ethnies.
Au Gabon, les marchés publics sont des moteurs économiques stratégiques pour le développement des entreprises et des régions. S’il existe une corrélation entre la concentration des postes publics et l’attribution des marchés, cela pourrait avoir un impact profond sur la répartition des richesses dans le pays.
6. Conséquences pour la cohésion nationale
L'histoire de l'Afrique montre que lorsqu'une seule ethnie s'arroge les leviers de pouvoir, cela conduit souvent à des tensions et des divisions profondes. Ce scénario rappelle certaines périodes sombres de l'histoire du continent, où la domination d'un groupe sur les autres a entraîné des conflits, des révoltes, et un affaiblissement des nations concernées. La dynamique actuelle, encouragée par les critères de l'article 53, pourrait accentuer cette fracture si elle n'est pas équilibrée par des politiques plus inclusives.
Probabilité d'élection d'un Fang avec l'article 53
Les Fang, représentant 23,2 % de la population, ont mécaniquement plus de chances d'être éligibles à la présidence en fonction de la répartition démographique. Ils auraient environ 2,3 chances sur 10 d'accéder à la présidence, mais les critères de l'article 53, en éliminant une partie des autres groupes ethniques, augmentent cette probabilité à 7 chances sur 10 (ou 70 %), ce qui représente un déséquilibre structurel (IndexMundi - Country Facts).
Conclusion
L'article 53 de la Constitution, bien que formulé en termes neutres, semble créer des conditions qui favorisent certaines ethnies, en particulier les Fang, au détriment d'autres groupes. Cette concentration du pouvoir, si elle se prolonge dans d'autres domaines (postes de gouverneurs, députés, fonctionnaires, marchés publics), pourrait affecter l'équilibre national et rappeler certaines périodes troublées de l'histoire africaine, où une ethnie dominait les autres, entraînant des conflits et des divisions internes. Pour préserver la cohésion nationale, il serait crucial de réexaminer ces critères et de s'assurer qu'ils favorisent l'inclusion de toutes les composantes de la société gabonaise.