Article: Nouveau Code électoral du Gabon : une porte ouverte à la militarisation de la politique ?
Nouveau Code électoral du Gabon : une porte ouverte à la militarisation de la politique ?
En adaptant un Code électoral sur mesure, Brice Oligui Nguema semble ouvrir une véritable boite de Pandore. Après une Constitution sur mesure et un référendum tout aussi calculé, l’idée d’une élection préfabriquée soulève des questions majeures. Ce risque, qu’il soit conscient ou non, pourrait avoir des conséquences imprévisibles pour l’avenir d’un pays déjà fragilisé
Le nouveau Code électoral gabonais, actuellement en discussion, fait l’effet d’une bombe dans le paysage politique et social du pays. La disposition autorisant les militaires, magistrats et forces de sécurité à se porter candidats aux élections est particulièrement controversée. Si cette mesure semble répondre à une volonté d'inclusion, elle soulève de graves questions sur la neutralité des institutions et le risque d’une « militarisation » de la politique gabonaise.
Une réforme taillée sur mesure pour Oligui Nguema ?
Cette disposition inédite s’inscrit dans un contexte où le général Brice Oligui Nguema, président de la transition, s’attelle à restructurer les institutions en prévision des futures élections. Plusieurs observateurs, à l’image de Gabon Media Time (15 janvier 2025), n’hésitent pas à qualifier cette réforme de « code électoral sur mesure ». En effet, permettre aux militaires de se présenter pourrait solidifier l’emprise d’Oligui Nguema sur le processus électoral, tout en s’assurant une base électoraliste au sein des forces armées.
Une « boite de Pandore » aux conséquences multiples
Permettre aux militaires de briguer des mandats pose des questions fondamentales :
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Du point de vue militaire : Comment les troupes vont-elles réagir face à un commandement potentiellement politisé ? Un haut gradé candidat deviendra-t-il automatiquement un leader électoraliste pour ses hommes ? Les subalternes auront-ils l’obligation morale ou institutionnelle de voter pour leur supérieur hiérarchique ? Cette nouvelle dynamique pourrait bouleverser le fonctionnement interne des forces armées et créer des tensions entre les factions proches ou éloignées du pouvoir.
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Du point de vue organisationnel : Qui assurera la neutralité des élections lorsque des hauts gradés, responsables de la sécurité, seront eux-mêmes candidats ? Cela pose un véritable dilemme sur la crédibilité du processus électoral.
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Du point de vue de la population : Beaucoup redoutent une mainmise accrue de l’armée sur la vie politique. Dans un contexte où les forces de défense sont souvent perçues comme un instrument du pouvoir, cette mesure pourrait accentuer le sentiment d’impuissance des citoyens face à la toute-puissance militaire.
Un coût politique et financier à évaluer
Pour éviter une prolifération de candidatures militaires concurrentes, Oligui Nguema pourrait se voir contraint de « acheter » la loyauté des forces armées. Quelle serait la contrepartie offerte pour empêcher d’autres militaires de briguer le pouvoir ? Cela pourrait entraîner des coûts financiers supplémentaires et aggraver les disparités déjà existantes entre les troupes.
Comme le souligne une vidéo de Gabon Direct (« 450 soldats gabonais s’adressent au président Brice Oligui - avertissement », 13 janvier 2025), de nombreux militaires peinent à joindre les deux bouts. Les troupes ordinaires se sentent laissées pour compte, tandis que les proches du pouvoir accèdent à privilèges et ressources. Cette inégalité pourrait alimenter des tensions internes.
Le rôle clé de la Garde républicaine
Au centre de cette stratégie se trouve la Garde républicaine (GR), institution centrale dans l'échiquier politique et sécuritaire du Gabon. Brice Oligui Nguema, qui dirige directement la GR, refuse de déléguer son commandement, renforçant ainsi son contrôle sur cette unité stratégique. Cette mainmise semble être l'une des motivations clés derrière l'adaptation du Code électoral.
La GR, souvent perçue comme un état dans l'État, dispose d'une influence décisive. Si les officiers supérieurs de la Gendarmerie pu Police venaient à se présenter, ils pourraient mobiliser un électorat captif, composé en partie de leurs subalternes. Cette perspective soulève des interrogations sur l'impartialité des scrutins et le risque de divisions internes au sein des forces de sécurité. En concentrant son pouvoir sur la GR, Oligui s’assure non seulement une domination militaire, mais aussi un avantage politique significatif pour les futures élections.
Militarisation de la politique : un retour en arrière ?
Cette réforme pourrait marquer un recul dans la construction d’une démocratie civile et apaisée. Les électeurs pourraient avoir l’impression d’être pris au piège entre des figures militaires omniprésentes et un manque d’alternatives politiques réelles.
Alors que le Gabon tente de tourner la page des crises institutionnelles, le nouveau Code électoral pourrait ouvrir une « boite de Pandore » aux conséquences imprévisibles. S’il est clair que cette mesure bénéficie directement à l’actuel homme fort du pays, ses implications à long terme sur la neutralité de l’armée et la stabilité démocratique du Gabon restent hautement incertaines.
Tout cela pour rappeler qu’à ses débuts, Oligui Nguema avait conquis l’espoir des Gabonais en promettant de rendre le pouvoir aux civils...