Article: Contradictions
Contradictions
Brice Oligui Nguema : le président de la Contradiction
Depuis son accession au pouvoir, Brice Oligui Nguema, président de transition du Gabon, accumule des actions qui remettent en cause ses promesses initiales. Ce qui était annoncé comme une rupture radicale avec le régime Bongo est aujourd’hui marqué par de nombreux revirements. Tour d’horizon des principales contradictions qui ébranlent son mandat.
Promesse non tenue de rendre le pouvoir aux civils
Dès son coup d'État en août 2023, Brice Oligui s’était engagé à transférer rapidement le pouvoir aux civils, laissant espérer une courte période de transition. Dans ses premiers discours, il avait affirmé que son rôle serait celui d’un président temporaire, devant rapidement organiser des élections et remettre le Gabon sur les rails démocratiques. Un an et demi plus tard, il est toujours en fonction, posant en treillis militaire et multipliant les décisions sans calendrier précis pour le retour des civils au pouvoir. Cette situation a semé la confusion et l’inquiétude parmi ceux qui espéraient un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Le maintien d’Oligui au pouvoir sans échéancier clair alimente les suspicions sur ses véritables intentions. Le fait qu’il continue de gouverner en tant que militaire renforce les critiques sur un pouvoir qui semble s’enraciner malgré les promesses initiales de transition rapide vers la démocratie.
Alliance avec le PDG, ancien parti d’Ali Bongo
Brice Oligui avait promis une rupture nette avec le Parti Démocratique Gabonais (PDG), symbole du régime d’Ali Bongo, renversé par le coup d'État. Pourtant, à la surprise générale, il a conclu un accord avec ce parti, largement perçu comme corrompu et responsable de décennies de mauvaise gestion du pays. Ce retournement de situation est vu par de nombreux observateurs comme un pacte de complaisance visant à maintenir les structures de pouvoir intactes, en échange d’un soutien politique. Pour les Gabonais qui avaient applaudi la chute du PDG, cet accord est une trahison des espoirs de changement. Il est devenu évident qu’Oligui ne cherche pas à rompre avec les pratiques du passé, mais plutôt à s’en accommoder pour stabiliser son pouvoir.
Le recours à Marie-Madeleine Mbourantsuo
Un autre symbole de la continuité avec l'ancien régime est l’implication de Marie-Madeleine Mbourantsuo dans la rédaction de la nouvelle Constitution. Mbourantsuo, figure emblématique de la Cour constitutionnelle, a été critiquée pour sa proximité avec la famille Bongo, dont elle fut un pilier judiciaire durant des décennies. Malgré cela, Oligui l’a choisie pour participer à la rédaction de la nouvelle loi fondamentale. Ce choix a surpris, d’autant que l’un des objectifs de la transition était de purger les institutions de ces figures associées au passé. Cette décision montre qu’Oligui est prêt à conserver certains rouages du régime Bongo, même s’il prétend vouloir tourner la page.
Pas de campagne pour le Oui... vraiment ?
Une autre contradiction marquante concerne le référendum constitutionnel prévu au Gabon. Le 21 octobre 2024, le CTRI a publié un communiqué demandant une stricte neutralité, interdisant toute promotion du "oui" ou du "non". Cependant, en juillet de la même année, lors d’un discours à Moanda, Brice Oligui avait publiquement encouragé la population à voter "oui". Ce revirement illustre une évolution des consignes en fonction des circonstances,soulevant des interrogations sur la cohérence des messages délivrés au peuple gabonais.
Recul sur la transparence des biens et revenus
L’une des premières promesses faites par Oligui concernait la transparence en matière de gouvernance, notamment l’obligation pour le président de déclarer ses biens et revenus. Cette mesure, qui faisait partie de la première version du projet constitutionnel, a mystérieusement disparu dans la version finale. Ce revirement suscite des interrogations sur la sincérité de son engagement à lutter contre la corruption, un fléau endémique au Gabon. En retirant cette disposition, Oligui semble vouloir protéger la classe dirigeante d’une quelconque enquête sur l’origine de ses richesses, renforçant ainsi les critiques sur un pouvoir qui se détourne de ses promesses de transparence.
Controverses autour des marchés publics
Oligui avait initialement annoncé vouloir favoriser les entrepreneurs gabonais dans l’attribution des marchés publics, soulignant la nécessité de redynamiser l’économie nationale et d’encourager le secteur privé local. Cependant, les contrats les plus lucratifs continuent d’être attribués à des entreprises étrangères, principalement libanaises et burkinabés. Ce contraste entre les discours nationalistes d’Oligui et la réalité des contrats attribués a déçu de nombreux entrepreneurs locaux, qui s’attendaient à une politique économique plus protectionniste et axée sur les intérêts gabonais. Ce manque de cohérence économique remet en question sa capacité à instaurer une politique en faveur du développement endogène.
Changement de l’article 43 sur la présidence pour les bi-nationaux
L'article 43 de la nouvelle Constitution, qui autorise désormais les bi-nationaux à briguer la présidence, constitue une rupture avec les engagements précédents. Initialement, Oliguivoulait limiter l’accès à la présidence aux seuls Gabonais de naissance, excluant ainsi les bi-nationaux. Ce revirement pose la question des motivations derrière cette décision. Certains observateurs y voient une manœuvre visant à permettre à Omar Denis Bongo Junior, petit-fils de Denis Sassou Nguesso, président du Congo-Brazzaville, d’accéder à la présidence. Omar Denis, bien que de nationalité congolaise, pourrait en effet se prévaloir de sa double ascendance pour briguer le poste, une perspective qui alimente les spéculations sur les influences extérieures pesant sur Oligui.
Pourquoi ce reniement ?
Face à ces multiples contradictions, Brice Oligui semble de plus en plus s’éloigner de l’image réformatrice voire révolutionnaire qu’il avait cultivée à ses débuts. Le projet de transformation du Gabon, tant espéré, paraît piégé dans des revirements politiques qui alimentent le scepticisme et les critiques sur la sincérité de ses intentions. Si Oligui se présentait comme l'homme du changement, ses actions actuelles révèlent un dirigeant enclin à maintenir le statu quo tout en consolidant son pouvoir.
Le premier ministre
L’article 43 de la Constitution ne traite que de "l’élection" du président, tandis que l'article concernant le vice-président mentionne une nomination sans exiger les mêmes critères que l’article 43. Cela crée une faille juridique majeure laissant la possibilité à n’importe quel individu nommé vice-président de devenir président en cas de vacance du pouvoir.